..........................................
<< Que nous fait la plainte des veuves,
>> Et de l'orphelin gémissant?
>> Demain nous laverons aux fleuves
>> Nos bras teints de fange et de sang.
>> Serrons nos rangs, brûlons nos tentes!
>> Que nos trompettes éclatantes
>> Glacent l'ennemi méprisé!
>> En vain leurs essaims se déroulent;
>> Pour eux chaque sillon qu'ils foulent
>> Est un sépulcre tout creusé! >>Le signal est donné. - Parmi des flots de poudre,
Leurs pas courts et pressés roulent comme la foudre...
Comme deux chevaux noirs qui dévorent le frein,
Comme deux grands taureaux luttant dans les vallées,
Les deux masses de fer, à grand bruit ébranlées,
Brisent d'un même choc leur double front d'airain.<< Allons, guerriers! la charge sonne!
>> Courrez, frappez, c'est le moment!
>> Aux sons de la trompe saxonne,
>> Aux accords du clairon normand!
>> Dagues, hallebardes, épées,
>> Pertuisanes de sang trempées,
>> Haches, poignards à deux tranchants,
>> Parmi les cuirasses froissées,
>> Melez vos pointes hérissées,
>> Comme la ronce dans les champs! >>Ou est donc le soleil? - Il luit dans la fumée
Comme un bouclier rouge en la forge enflammée.
Dans les vapeurs de sang on voit briller le fer;
La vallée au loin semble une fournaise ardente;
On dirait qu'au milieu de la plaine grondante
S'est ouverte soudain la bouche de l'enfer..........................................
<< Que ceux qui brisent leur épée
>> Luttent des ongles et des dents,
>> S'ils veulent fuir la faim trompée
>> Des loups autour de nous rodant!
>> Point de prisonniers! points d'esclaves!
>> S'il faut mourir, mourrons en braves
>> Sur nos compagnons immolés.
>> Que demain le jour, s'il se lève,
>> Voie encor des tronçons de glaive
>> Étreints par nos bras mutilés!... >>Viens, berger: la nuit tombe, et plus de sang ruisselle;
De coups plus furieux chaque armure étincelle;
Les chevaux éperdus se dérobent aux mors.
Viens, laissons achever cette lutte brûlante.
Ces hommes acharnés à leur tache sanglante
Se reposeront tous demain, vainqueurs ou morts!
Victor Hugo