Ah, bien me plaît la charmante saison
Et me convient le joli temps d'été,
Et bien me plaît l'oiseau s'il va chantant,
Bien me plaisent fleurettes aux bosquets,
Et bien me plaît tout ce qui plaît aux justes,
Cent fois plus me plaît la belle présence
Dont à mon gré bientôt pourrai jouir
Ou pour le gré de mon coeur et mon sens.Amour me tient en riante allégresse,
Amour me tient en si douce chaleur,
Amour me tient gaillard et bien vaillant,
Par amour suis pensif et soupirant,
Par amour suis si fort enamouré
Qu'en amour ai toutes mes volontés.
D'amour j'aime courtoisie et jeunesse,
Car d'amour tiennent mes faits et gestes.Bien m'est, belle dame, à songer à vous,
Et bien d'être sous votre seigneurie,
Bien m'est à vous entendre louanger,
Et bien m'est à contempler vos beaux appâts,
Bien m'est à voir votre fine beauté
Et bien de vous être tout asservi
Bien m'est de placer en vous tout mon rêve
Et bien de n'aimer que vous seule au monde.Que Dieu vous aide, Dame belle et noble,
Mais qu'il n'aide ceux que le péché tente,
Que Dieu m'aide devant vous prosterné,
Mais qu'il n'aide médisants et jaloux,
Que Dieu aide le preux, le bon, le juste
Mais qu'il n'aide les malveillants néfastes,
Que Dieu aide tous les loyaux amants,
Mais qu'il n'aide qui le mal entreprend.Dame, tant de vous voir je me languis,
Dame, que point je n'ai d'autre désir,
Dame, car de moi pouvez faire un pauvre,
Ou, Dame, un riche plus que Sire Alphonse,
Belle dame si fort m'avez soumis,
Dame, que d'autre je n'ai de vouloir,
Dame, s'il vous plaît, ayez-moi égards,
Dame, en dédommagement de ma peine.Parfaite joie, ô bien plaisante et tendre,
De vous la joie car par vous revit,
Il n'est de joie au monde si charmante,
Car votre joie rend les autres joyeux,
De vous naît joie, à tous la consentez,
Je n'ai d'autre joie, et mon Bel-Castiat,
Cela me fait grande joie de savoir
Qu'il a joie de vous,ô ma belle joie.
Peire Vidal
Toulousain, Troubadour dont la carrière se situe entre
1180 et 1205. Commencée dans le Pays Toulousain et le
Carcassès, elle se poursuit en Espagne, Provence, Terre
Sainte, Hongrie, Italie et Malte. Ses protecteurs furent nombreux
:Alfonse II d'Aragon, Alfonse VIII de Castille, Raimon V de Toulouse,
Richard Coeur de Lion,... Peire Vidal fut un singulier personnage,
sorte d'humoriste, raillant ses confrères et lui
même.
Ses amours furent nombreuses selon son biographe. Une fallit mal
tourner : " Et il aima la Louve de Pennautier. Il se faisait appeler
loup pour elle, et il revêtit une peau de loup... Les chasseurs
avec leurs chiens le chassèrent et le maltraitèrent de
telle façon qu'il fut porté pour mort chez la Louve de
Pennautier...".
La Louve rit beaucoup et fit soigner son galant.
Bibliographie : J.Anglade, les poésies de Peire Vidal 1913 (Classiques du Moyen Age)